"L'activité d'autopartage est définie par la mise en commun, au profit d'utilisateurs abonnés, d'une flotte de véhicules de transports terrestres à moteur. Chaque abonné peut accéder à un véhicule sans conducteur, pour le trajet de son choix et pour une durée limitée." (article 19 du projet de loi Grenelle 2)

16 juin 2013

A propos de Bluely et de la nécessaire diversité des modèles d'autopartage



Ce sera donc Bluely… Une conférence depresse tenue le 3 juin informe les Lyonnais du lancement d'un nouveau service d'autopartage, utilisant des voitures électriques et géré par Bolloré, qui exploite à Paris un service identique, très médiatisé, nommé Autolib'.
Cette conférence de presse a mis en avant la volonté des autorités locales de créer un service complémentaire des transports en commun et des vélos en libre-service en vue de favoriser une mobilité écologique, un an après l'échec de l'entreprise Car2go (qui n'exploitait pas des véhicules électriques). Curieusement, toutefois, personne n'a relevé pourquoi le nom du nouveau service serait Bluely (dérivé de la Bluecar de Bolloré) et non pas Autolib'. C'est que l'autopartage existe déjà à Lyon, sous le nom d'Autolib' justement. L'association La voiture autrement, impliquée dans cette aventure depuis sa fondation, et dont la vocation est la promotion de l'autopartage, souhaite profiter de cet événement pour rappeler les enjeux de son développement, insister sur les réussites du modèle existant aujourd'hui à Lyon et réfléchir aux formes d'articulation possibles et nécessaires entre les deux approches.

Petite histoire de l'autopartage à Lyon

L'autopartage a été lancé à Lyon en 2001 par l'association La voiture autrement, avec le soutien de l'ADEME, de France Autopartage (qui apporte des solutions techniques pour l'autopartage dans plus de 15 villes françaises), de la Région Rhône-Alpes, du Grand Lyon et de la ville de Lyon. En 2007, le service - renommé Autolib' - rencontrait le succès mais la forme associative ne permettait son développement. Il a alors été repris en main par Lyon Parc Auto, qui fournissait déjà les places de stationnement, et souhaitait étendre la gamme de ses services de mobilité. Cette reprise traduisait également un engagement ferme du Grand Lyon en faveur du développement de cette initiative associative en phase avec les aspirations d'un nombre croissant de citadins. LPA a considérablement étendu l'offre (de 20 à près de 90 véhicules aujourd'hui, dont une trentaine sur voirie) et le nombre de conducteurs dépasse aujourd'hui 1200. Plus de 110000 km sont parcourus chaque mois lors de plus de 1800 réservations. Malgré ce développement très encourageant (+10% / +15% par an), le service n'est pas encore à l'équilibre - mais c'est encore le cas de la plupart des structures en France, y compris celle promue par Bolloré.
Les raisons de ce succès croissant sont à trouver dans les avantages objectifs, au niveau individuel comme à celui de la collectivité, de ce type de service : 

  • simplicité et efficacité du service de réservation téléphonique ou par internet ; 
  • flexibilité  - la voiture quand on en a besoin, sans les problèmes de stationnement ou d'entretien ;  
  • proximité du service dans tous les quartiers denses de l'agglomération où les problèmes de stationnement sont importants, et développement en cours dans le reste de la ville et à Villeurbanne ;
  • diversité des voitures mises à disposition pour répondre à des besoins variés : de la citadine 4 places à la monospace 7 places, commode pour les déménagements, les grosses courses ou les week-ends familiaux à la campagne… 

Les études menées soulignent que les usagers de l'autopartage rationalisent et diminuent l'usage de l'automobile, et utilisent en complément les autres moyens de transport à leur disposition : marche à pied, vélo, transports en commun. Même si les voitures ne sont pas électriques, le service est donc, en soi, très écologique. Cet usage rationalisé de la voiture permet aux usagers des économies substantielles. En outre, l'autopartage c'est moins de voitures en stationnement.

Quelle articulation entre Autolib' et  Bluely?

Même si le Grand Lyon, en soutenant LPA dans son projet de reprise d'Autolib', a rendu possible la poursuite de son développement, l'engagement des élus n'a jamais été très marqué. Lors du lancement par Bolloré de son service à Paris, Gérard Collomb a autorisé l'usage du nom Autolib', pourtant détenu par l'exploitant lyonnais, comme s'il n'y croyait pas. Les élus lyonnais rêvent depuis lors de voir se mettre en place dans leur ville un service similaire, et l’expérience Car2Go, l’an dernier, a représenté une première tentative dans ce sens. 
Il  faut pourtant souligner les différences de fonctionnement entre le système Bolloré et le service qui fonctionne à Lyon aujourd’hui. Au-delà de la voiture électrique, l'organisation présente en effet plusieurs particularités. 
En premier lieu, il s'agit d'un système dit en "one-way", c’est-à-dire que l'usager prend la voiture et peut la garer ailleurs qu'à son point de départ, alors que dans l'autopartage classique, la voiture revient à sa place initiale. Dans un cas, le service est plus flexible et se prête à un usage très ponctuel et de courte durée - mais il moins prévisible pour ses gestionnaires et pour les usagers. Dans l'autre, le service est légèrement plus contraignant mais répond en fait à d'autres finalités : courses ponctuelles, déplacements plus longs, etc. Mais aujourd'hui, on dispose d'assez de recul pour savoir qu'une partie des usagers de l'Autolib' parisiens (Bluecar) se détournent des transports en commun, de la marche… ou des taxis (voir notamment ces déclarations d'un adjoint au maire de Paris, Pierre Mansat). 
En deuxième lieu, ce type de service ne répond pas à une bonne part des attentes que satisfait l'autopartage classique : besoins de voitures plus spacieuses, sorties plus longues en durée comme en kilomètre… Le "one-way", conçu pour répondre à des usages courts, est également nettement plus onéreux et s'adresse à des catégories bien identifiées : personnes à pouvoir d'achat élevé, plutôt célibataires ou couples sans enfant. Si l'autopartage à la manière Bolloré répond donc à des besoins réels et légitimes, on peut légitimement s'interroger sur son articulation avec les enjeux du développement durable ainsi que sa prise en compte de la diversité sociale. On sait aussi que le principal objectif du groupe Bolloré avec ce service est de démontrer les qualités de sa voiture électrique et d'en assurer la commercialisation à grande échelle, plus que d'assurer la promotion de l'autopartage…
Pour toutes ces raisons, notre association La voiture autrement entend souligner la nécessité de poursuivre, de façon complémentaire à l'arrivée de Bluely, le développement du service lyonnais Autolib', peut-être moins médiatique mais tout aussi utile. D'ailleurs, à Paris, les différents services privés d'autopartage classiques n'ont pas du tout été balayés par la Bluecar-Autolib', ce qui montre que ces deux versions de l’autopartage, qui répondent à des besoins et séduisent des publics différents peuvent très bien coexister. Ainsi, le Grand Lyon devrait continuer à faire la promotion de ce service au grand potentiel dans notre ville. Outre une visibilité médiatique indispensable, il faut aussi réfléchir à des mesures d'articulation avec les transports en commun - par exemple, en offrant une période d'abonnement gratuit (un an, par exemple) aux abonnés des TCL qui voudraient se lancer dans l'expérience Autolib'… De même, il faut inciter les ménages qui n’ont pas vraiment besoin d’une deuxième automobile à l’abandonner en passant à l’autopartage. Dans cette optique, rendre la tarification résidentielle du deuxième véhicule plus dissuasive serait nécessaire. Un bon moyen de favoriser vraiment une démarche écologique de nos concitoyens.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Quand on voit la publicité pour Bolloré, il est surprenant que les élus ne soutiennent pas plus que ça Autolib. Pas un mot sur le sujet.... Alors même que le grand lyon est actionnaire majoritaire de LPA !
Bonne continuation