"L'activité d'autopartage est définie par la mise en commun, au profit d'utilisateurs abonnés, d'une flotte de véhicules de transports terrestres à moteur. Chaque abonné peut accéder à un véhicule sans conducteur, pour le trajet de son choix et pour une durée limitée." (article 19 du projet de loi Grenelle 2)

23 juin 2013

Arrivée de la Bluely : un autopartageur inquiet écrit au Progrès



Dans la foulée de notre réaction au sujet de l'annonce de l'arrivée de la Bluely à Lyon, un autopartageur (M. Pascal Grillet) nous a adressé copie d'un courrier envoyé au Progrès, pour dénoncer l'absence de référence à Autolib' dans l'article rendant compte de cet événement. Plus largement, il témoigne de son inquiétude que ce nouveau service n'entraîne la disparition d'un service existant très fonctionnel mais qui semble mal aimé par les autorités publiques. Nous publions à la suite la réponse du journaliste Michel Samard.

Depuis plus d'un an, je n'ai plus de voiture. Suis-je pour autant privé totalement de l'automobile en attendant fébrilement l'arrivée imminente de Bolloré ? On pourrait le penser a la lecture d'un article paru le 4 juin dans Le Progrès sous votre plume, évoquant l'arrivée prochaine de Bluely, du groupe Bolloré, comme autopartage "à la lyonnaise", qu'on attendait, dites vous, depuis l'échec de Car2go. Je vous rassure: l'info vous a sans doute échappé, mais il existe depuis plus de 10 ans à Lyon un service d'autopartage qui fonctionne parfaitement bien: Autolib!
Depuis janvier 2012, après un grave accident, nous n'avons pas racheté de véhicule, et pourtant nous prenons une voiture quand nous en avons besoin, pour le travail ou pour les loisirs. C'est extrêmement facile à utiliser, fiable, bien moins cher qu'une voiture personnelle pour des purs citadins comme nous. Il est regrettable que ce service soit totalement ignoré des médias et notamment du principal journal local !
Je regrette encore plus de ne pas avoir entendu non plus de la bouche de notre maire la moindre allusion à ce service (auquel la puissance publique contribue) alors qu'il se félicite bruyamment de l'arrivée du privé sur ce créneau.
C'est avant tout un mépris pour les personnels qui font vivre ce service de manière dynamique et même chaleureuse (essentiellement des employés  de Lyon Parc Auto) et aussi pour tous ceux, associatifs, puis pouvoirs publics, qui ont développé depuis plus de 10ans ce service de grand intérêt citoyen, malgré les difficultés.
C'est aussi très dommageable au développement de ce service public qui, se trouvant privé de publicité, souffre d'un grand déficit de notoriété. J'ai peur qu'il faille y voir la volonté des pouvoirs politiques locaux d'abandonner l'autopartage au profit des solutions privées type Bolloré.
Or, il faut bien voir que les 2 offres sont totalement différentes. Le projet Bolloré, comme Vélo'v, c'est du "one way", c'est prendre une voiture dans une station, suivant les disponibilités, sans pouvoir la réserver à l'avance. Il faut ensuite la laisser rapidement dans une autre station, faute de quoi le coût devient prohibitif. C'est tous les avantages mais surtout les inconvénients de Vélo'v (qui n'a pas fait plusieurs stations pour trouver ou rendre son vélo?). L'autopartage, type l'actuel Autolib Lyon, permet de réserver à l'avance (ou au dernier moment si on le souhaite, évidemment), en étant certain de pouvoir compter sur sa voiture, et en ramenant sa voiture à l'endroit où on l'a prise, en étant certain d'avoir une place disponible.
Ce qui est pratique pour les courts trajets en bicyclette ne l'est pas quand il s'agit de remplacer l'automobile, dans tous ses usages, avec la liberté que la voiture permet. Pour un usage exclusif de l'autopartage, comme le mien, permettant de se passer de voiture personnelle, il est essentiel de pouvoir compter sur une voiture à l'avance, sans risque de retard, notamment en usage professionnel. Pour les loisirs, il est indispensable que les familles disposent de voitures qu'elles puissent louer pour plusieurs heures lors d'une sortie dans un quartier excentré, en banlieue, ou pour une journée à la campagne.Il faut aussi pouvoir louer une journée entière pour une invitation a 100 ou 200 km (donc pouvoir utiliser une "routière" et pas une "citadine"). Sinon aucun développement de l'autopartage comme vraie alternative al'auto personnelle n'est réaliste!
Toutes ses exigences indispensables sont possibles avec l'autopartage mais seront impossibles avec Bolloré: les locations seront trop chères si on les prolonge, elles sont faites pour des usages très courts, allers simples avec garage en station des l'arrivée. Imaginez-vous renoncer à votre voiture si vous ne pouvez quitter la ville pour aller voir des amis dans le Beaujolais, aller avec les enfants faire un pique nique à la campagne ?
La solution Bolloré ne permet pas de se passer de voiture, donc de diminuer à terme l'encombrement des villes. Elle se présente plutôt comme une alternative aux transports en commun, pour des déplacements ponctuels, ce qui n'est théoriquement pas le summum de l'écologie urbaine! Il s'agit in fine de permettre à des gens réticents aux transports en commun de ne pas payer le taxi ! Pour moi, usager exclusif depuis plus d'un an, l'avenir de l'autopartage doit pouvoir permettre aux citadins "purs", qui vivent et travaillent en ville,de ne pas avoir de voiture, en utilisant suivant les moments et les trajets, leurs pieds, le Velo'v, le métro, le bus... ou une voiture en autopartage quand elle est réellement nécessaire, sans restreindre sa liberté de déplacements, et a un cout nettement moindre quele prix d'une voiture personnelle.
Actuellement, c'est tout a fait possible avec Autolib Lyon, un abonnement TCL, un taxi de temps en temps...
L'arrrivée de Bolloré a lyon peut être une bonne nouvelle si elle permet de donner plus de visibilité a l'autopartage mais surtout si la puissance publique n'en profite pas pour se désengager et tuer l'autopartage au profit du privé, ce que laisse vraiment craindre le silence assourdissant des décideurs politiques : Mairie, Grand Lyon,Région, dont aucun n'a cru bon de rappeler le travail accompli par Autolib Lyon, qu'ils financent pourtant depuis des années, mais dont ils n'assurent pas la promotion.
Signé : Pascal Grillet

Réponse de François Samard, journaliste au Progrès


[...]
J'ai lu avec attention [votre courrier] et comprends vos préoccupations.

Effectivement, dans l’article que vous citez, consacré au lancement de Bluely, je ne fais pas état de l’existence d’Autolib’. L’actualité du jour était la présentation de ce nouveau service et le système d’autopartage existant et différent n’a pas été évoqué.

En revanche, il n’est pas juste d’affirmer que notre journal passe sous silence Autolib’. Récemment, j’ai rédigé une page à l’autopartage à Lyon  alors que le successeur de Car2go n’était pas encore officiel. Un article était consacré à Autolib’.

J’ai moi-même, mais d’autres confrères également, réalisé dans un passé plus ancien de multiples reportages sur Autololib’. Une partie d’entre eux avant même que Lyon Parc Auto en prenne le contrôle pour le développer.

Nous avons dans nos colonnes, à diverses reprises, expliqué, lors du lancement de Car2go, que ces deux systèmes étaient présentés comme complémentaires. Leurs services, comme vous le soulignez, sont différents. « One way » pour l’un, pas pour l’autre qui propose divers modèles de voitures et vise des temps de location plus longs.

J’espère avoir pu vous rassurer sur le traitement médiatique du sujet et continuer à vous compter parmi nos fidèles lecteurs.

Cordialement
 
François Samard

Journaliste
Le Progrès

16 juin 2013

A propos de Bluely et de la nécessaire diversité des modèles d'autopartage



Ce sera donc Bluely… Une conférence depresse tenue le 3 juin informe les Lyonnais du lancement d'un nouveau service d'autopartage, utilisant des voitures électriques et géré par Bolloré, qui exploite à Paris un service identique, très médiatisé, nommé Autolib'.
Cette conférence de presse a mis en avant la volonté des autorités locales de créer un service complémentaire des transports en commun et des vélos en libre-service en vue de favoriser une mobilité écologique, un an après l'échec de l'entreprise Car2go (qui n'exploitait pas des véhicules électriques). Curieusement, toutefois, personne n'a relevé pourquoi le nom du nouveau service serait Bluely (dérivé de la Bluecar de Bolloré) et non pas Autolib'. C'est que l'autopartage existe déjà à Lyon, sous le nom d'Autolib' justement. L'association La voiture autrement, impliquée dans cette aventure depuis sa fondation, et dont la vocation est la promotion de l'autopartage, souhaite profiter de cet événement pour rappeler les enjeux de son développement, insister sur les réussites du modèle existant aujourd'hui à Lyon et réfléchir aux formes d'articulation possibles et nécessaires entre les deux approches.

Petite histoire de l'autopartage à Lyon

L'autopartage a été lancé à Lyon en 2001 par l'association La voiture autrement, avec le soutien de l'ADEME, de France Autopartage (qui apporte des solutions techniques pour l'autopartage dans plus de 15 villes françaises), de la Région Rhône-Alpes, du Grand Lyon et de la ville de Lyon. En 2007, le service - renommé Autolib' - rencontrait le succès mais la forme associative ne permettait son développement. Il a alors été repris en main par Lyon Parc Auto, qui fournissait déjà les places de stationnement, et souhaitait étendre la gamme de ses services de mobilité. Cette reprise traduisait également un engagement ferme du Grand Lyon en faveur du développement de cette initiative associative en phase avec les aspirations d'un nombre croissant de citadins. LPA a considérablement étendu l'offre (de 20 à près de 90 véhicules aujourd'hui, dont une trentaine sur voirie) et le nombre de conducteurs dépasse aujourd'hui 1200. Plus de 110000 km sont parcourus chaque mois lors de plus de 1800 réservations. Malgré ce développement très encourageant (+10% / +15% par an), le service n'est pas encore à l'équilibre - mais c'est encore le cas de la plupart des structures en France, y compris celle promue par Bolloré.
Les raisons de ce succès croissant sont à trouver dans les avantages objectifs, au niveau individuel comme à celui de la collectivité, de ce type de service : 

  • simplicité et efficacité du service de réservation téléphonique ou par internet ; 
  • flexibilité  - la voiture quand on en a besoin, sans les problèmes de stationnement ou d'entretien ;  
  • proximité du service dans tous les quartiers denses de l'agglomération où les problèmes de stationnement sont importants, et développement en cours dans le reste de la ville et à Villeurbanne ;
  • diversité des voitures mises à disposition pour répondre à des besoins variés : de la citadine 4 places à la monospace 7 places, commode pour les déménagements, les grosses courses ou les week-ends familiaux à la campagne… 

Les études menées soulignent que les usagers de l'autopartage rationalisent et diminuent l'usage de l'automobile, et utilisent en complément les autres moyens de transport à leur disposition : marche à pied, vélo, transports en commun. Même si les voitures ne sont pas électriques, le service est donc, en soi, très écologique. Cet usage rationalisé de la voiture permet aux usagers des économies substantielles. En outre, l'autopartage c'est moins de voitures en stationnement.

Quelle articulation entre Autolib' et  Bluely?

Même si le Grand Lyon, en soutenant LPA dans son projet de reprise d'Autolib', a rendu possible la poursuite de son développement, l'engagement des élus n'a jamais été très marqué. Lors du lancement par Bolloré de son service à Paris, Gérard Collomb a autorisé l'usage du nom Autolib', pourtant détenu par l'exploitant lyonnais, comme s'il n'y croyait pas. Les élus lyonnais rêvent depuis lors de voir se mettre en place dans leur ville un service similaire, et l’expérience Car2Go, l’an dernier, a représenté une première tentative dans ce sens. 
Il  faut pourtant souligner les différences de fonctionnement entre le système Bolloré et le service qui fonctionne à Lyon aujourd’hui. Au-delà de la voiture électrique, l'organisation présente en effet plusieurs particularités. 
En premier lieu, il s'agit d'un système dit en "one-way", c’est-à-dire que l'usager prend la voiture et peut la garer ailleurs qu'à son point de départ, alors que dans l'autopartage classique, la voiture revient à sa place initiale. Dans un cas, le service est plus flexible et se prête à un usage très ponctuel et de courte durée - mais il moins prévisible pour ses gestionnaires et pour les usagers. Dans l'autre, le service est légèrement plus contraignant mais répond en fait à d'autres finalités : courses ponctuelles, déplacements plus longs, etc. Mais aujourd'hui, on dispose d'assez de recul pour savoir qu'une partie des usagers de l'Autolib' parisiens (Bluecar) se détournent des transports en commun, de la marche… ou des taxis (voir notamment ces déclarations d'un adjoint au maire de Paris, Pierre Mansat). 
En deuxième lieu, ce type de service ne répond pas à une bonne part des attentes que satisfait l'autopartage classique : besoins de voitures plus spacieuses, sorties plus longues en durée comme en kilomètre… Le "one-way", conçu pour répondre à des usages courts, est également nettement plus onéreux et s'adresse à des catégories bien identifiées : personnes à pouvoir d'achat élevé, plutôt célibataires ou couples sans enfant. Si l'autopartage à la manière Bolloré répond donc à des besoins réels et légitimes, on peut légitimement s'interroger sur son articulation avec les enjeux du développement durable ainsi que sa prise en compte de la diversité sociale. On sait aussi que le principal objectif du groupe Bolloré avec ce service est de démontrer les qualités de sa voiture électrique et d'en assurer la commercialisation à grande échelle, plus que d'assurer la promotion de l'autopartage…
Pour toutes ces raisons, notre association La voiture autrement entend souligner la nécessité de poursuivre, de façon complémentaire à l'arrivée de Bluely, le développement du service lyonnais Autolib', peut-être moins médiatique mais tout aussi utile. D'ailleurs, à Paris, les différents services privés d'autopartage classiques n'ont pas du tout été balayés par la Bluecar-Autolib', ce qui montre que ces deux versions de l’autopartage, qui répondent à des besoins et séduisent des publics différents peuvent très bien coexister. Ainsi, le Grand Lyon devrait continuer à faire la promotion de ce service au grand potentiel dans notre ville. Outre une visibilité médiatique indispensable, il faut aussi réfléchir à des mesures d'articulation avec les transports en commun - par exemple, en offrant une période d'abonnement gratuit (un an, par exemple) aux abonnés des TCL qui voudraient se lancer dans l'expérience Autolib'… De même, il faut inciter les ménages qui n’ont pas vraiment besoin d’une deuxième automobile à l’abandonner en passant à l’autopartage. Dans cette optique, rendre la tarification résidentielle du deuxième véhicule plus dissuasive serait nécessaire. Un bon moyen de favoriser vraiment une démarche écologique de nos concitoyens.

La voiture autrement existe encore...

Après un long moment de silence sur ce blog, du à des changements dans notre équipe et à la volonté, avortée pour l'instant, de mettre en place un nouveau site, nous reprenons notre communication sur ce support.
Malgré notre baisse de rythme, nos convictions en faveur de l'autopartage n'ont pas évolué et nous continuons à vouloir promouvoir cette nouvelle forme de mobilité. De fait, l'autopartage a rencontré un grand succès médiatique avec le développement de l'Autolilb' parisien, et d'autres succès moins spectaculaires mais réels également, à travers le développement de nouvelles structures dans plusieurs villes françaises.
Nous avons souhaiter participer à ce développement, notamment en utilisant les moyens de l'association pour contribuer au démarrage de deux nouveaux services d'autopartage. C'est ainsi que nous avons acquis des parts sociales d'Autocité, le service d'autopartage de Besanççon, lancé en 2010, et d'Autociti, à Tours, lancé en avril 2012.
Nous continuons par ailleurs à participer aux activités de France Autopartage et de siéger, de manière consultative, au conseil d'administration de Lyon Parc Auto, gestionnaire d'Autolib'.